La médecine traditionnelle occupe une place importante dans le système de santé africain, notamment en Côte d’Ivoire, où plus de 80 % de la population a recours aux tradipraticiens pour des soins primaires. Face à cette réalité culturelle et sanitaire, des initiatives émergent pour intégrer officiellement les tradipraticiens dans les hôpitaux publics ivoiriens, créant ainsi une synergie entre la médecine moderne et les savoirs ancestraux.
Une reconnaissance institutionnelle en cours
Depuis plusieurs années, la Côte d’Ivoire travaille à encadrer et formaliser la pratique de la médecine traditionnelle. Avec la promulgation de la loi n°2015-536 du 20 juillet 2015, suivie de son décret d’application en 2016, l’État a posé les bases juridiques de l’exercice des tradipraticiens. Ce cadre législatif permet de structurer leur action, de lutter contre les pratiques frauduleuses, et de faciliter leur intégration dans le système sanitaire national.
En appui à cette législation, le Programme National de Promotion de la Médecine Traditionnelle (PNPMT) a été mis en place. Ce programme coordonne les actions en lien avec les tradipraticiens, y compris leur recensement, leur formation et leur collaboration avec les structures sanitaires publiques.
L’exemple du CHU de Treichville : pionnier de l’intégration
En 2014, le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Treichville, à Abidjan, a ouvert une Unité de Médecine Traditionnelle au sein de l’établissement. Il s’agit d’un projet pilote visant à évaluer la faisabilité et l’efficacité de la collaboration entre praticiens de médecine moderne et guérisseurs traditionnels dans un cadre institutionnel.
Dans cette unité, les patients peuvent bénéficier de soins traditionnels (plantes médicinales, massages, thérapies spirituelles) supervisés par des tradipraticiens certifiés, tout en ayant accès à un suivi médical moderne. Les cas graves ou nécessitant des examens biologiques sont pris en charge de manière conjointe.
Cette initiative est soutenue par le Ministère de la Santé, qui envisage de dupliquer ce modèle dans d’autres hôpitaux du pays si les résultats s’avèrent positifs.
Des résultats prometteurs sur le terrain
Selon le PNPMT, plus de 8 500 tradipraticiens ont été recensés et enregistrés dans une base de données centralisée. Cela permet de mieux contrôler leurs activités et de collaborer avec ceux qui répondent aux critères de compétence et d’éthique.
En 2022, plus de 375 tradipraticiens ont été formés à la détection de maladies comme le VIH/SIDA, la tuberculose et les hépatites, dans une démarche de santé communautaire menée avec le soutien d’organisations comme Alliance Côte d’Ivoire. Plusieurs d’entre eux travaillent désormais en lien avec les centres de santé de proximité, assurant un relais efficace avec les populations rurales et urbaines.
Des besoins en structuration et en encadrement
Malgré ces avancées, l’intégration des tradipraticiens dans les hôpitaux publics en Côte d’Ivoire reste limitée à quelques structures expérimentales, comme le CHU de Treichville. De nombreux défis demeurent :
- Manque de protocoles clairs pour la collaboration entre médecins et tradipraticiens.
- Insuffisance de formations communes et de reconnaissance officielle des compétences.
- Nécessité de renforcer la réglementation contre les dérives pseudo-médicales.
Témoignage : une patiente guérie grâce à une prise en charge conjointe
Aminata K., 42 ans, souffrait depuis plusieurs années de douleurs chroniques au bas-ventre, sans qu’aucun diagnostic médical ne parvienne à les expliquer.
« J’avais vu plusieurs médecins sans succès. On m’a parlé de l’unité de médecine traditionnelle au CHU de Treichville. Là, un tradipraticien a travaillé avec le médecin gynécologue pour diagnostiquer une cause énergétique. J’ai suivi un traitement combiné, et en quelques semaines, les douleurs ont disparu. »
Ce type d’approche intégrée, selon Aminata, devrait être généralisé pour aider d’autres patients confrontés à des maladies complexes.
Statistiques récentes sur la médecine traditionnelle en Côte d’Ivoire
- 85 % des Ivoiriens utilisent régulièrement les plantes médicinales ou consultent un tradipraticien.
- 5 millions de consultations traditionnelles ont lieu chaque année.
- 375 praticiens formés aux maladies transmissibles en 2022.
- 1 unité intégrée officielle dans un hôpital public (CHU Treichville).
- Plus de 8 500 tradipraticiens recensés officiellement.
Vers un modèle de santé inclusive et holistique
La collaboration entre hôpitaux publics et tradipraticiens en Côte d’Ivoire constitue un enjeu de santé publique majeur. Face à l’engorgement des hôpitaux, à la méfiance de certaines populations envers la médecine moderne, et à la richesse du savoir ancestral, une approche inclusive apparaît comme une solution durable.
À terme, une meilleure reconnaissance institutionnelle, des formations croisées, et un système de référencement bidirectionnel entre tradipraticiens et médecins pourraient transformer le paysage sanitaire ivoirien. La Côte d’Ivoire pourrait ainsi devenir un modèle régional d’intégration respectueuse et efficace de la médecine traditionnelle africaine dans les structures publiques.
Sources externes :